Institut Maurice Daubard - Dossier Scientifique
   


>>> INSTITUT MAURICE DAUBARD <<<
>>> YOGA TOUMO EVEIL DU FEU INTERIEUR
CE QU’EN DIT LA SCIENCE <<<

Auteur : Dr Anne Laurençon

Adaptation au froid

En guise d’introduction à cette page, un petit rappel sur ce que l’on imagine de l’être humain il y a 400.000 ans : pas de feu à volonté pour se réchauffer, c’est donc le corps lui-même qui produit la chaleur : la couche sous cutanée de gras devait être épaisse en saison froide. Et les Hommes utilisaient sûrement des fourrures pour se protéger du froid et hiberner une bonne partie de l’hiver : l’impact du froid sur notre physiologie et plus spécifiquement sur notre métabolisme et nos réponses immunitaires est décrit par plusieurs études scientifiques. De par notre héritage, nos corps ont plusieurs cordes à leur arc pour répondre à l’exposition au froid.

Le regard d’une personne extérieure sur les pratiques tantriques tibétaines, s’arrête à coup sûr sur une de ses six pratiques fondamentales : le toumo. Les adeptes s’exposent au froid sur de longues périodes sans signe extérieur de détresse. Comme si cela ne suffisait pas, ils peuvent sécher des pièces de tissus mouillées sur leurs épaules par des températures négatives… Ces pratiques résultent effectivement en une adaptation au froid qui n’est qu’un effet secondaire pour l’adepte : lui pratique plutôt une technique visant le psychisme de l’être humain. Le toumo est traditionnellement enseigné pour faire l’expérience de phénomènes de « transfert de conscience vers un corps sans vie suivi de sa renaissance » (Je Tsongkhapa, initiateur de l'école gelug). La science en son état d’avancement n’a pas de cadre conceptuel pour tester ce type d’affirmation, mais peut effectivement s’intéresser à ce qu’il se passe de façon objective au niveau de la chaleur corporelle.


LE CORPS FACE A L’EXPOSITION AU FROID

Plusieurs études étayent les conséquences et les bienfaits de l’exposition volontaire au froid, et couvrent tout type d’exposition. Que ce soit la nage en eau glacée, ou bien les bains en eau froide après un effort physique ou d’autres pratiques comme la cryothérapie, thérapie par contraste chaud/froid... Je ne cherche donc pas ici à les détailler, mais seulement reprendre les grandes lignes de ce qui a été décrit à ce jour par les différentes écoles de physiologistes, en référençant des articles complets sur les différents points mentionnés pour ceux que cela intéresse.

• Cerveau : l’exposition au froid libère de la noradrenaline dans le sang, qui dans le système nerveux central, joue des rôles importants sur l'attention, la vigilance, les émotions, le sommeil, le rêve, les cauchemars et les apprentissages.

• Système immunitaire et inflammatoire : ici la noradrenaline va calmer l’état inflammatoire des tissus, et nous verrons que ceci est en lien avec le tissu adipeux. Cette action est donc prédite comme étant le moteur de l’amélioration de certains cas d’arthrite par exemple. L’amélioration d’autres conditions liées à un dérèglement auto-immun est également envisagée : les mécanismes à l’œuvre sont partiellement décrits, et il reste beaucoup d’interrogations.

• Métabolisme : Le grand bouleversement suite à l’exposition au froid, c’est bien sûr la vasoconstriction : le sang se retire des tissus périphériques. Il y a aussi une augmentation de la thermogenèse, on augmente la production de chaleur corporelle : ceci met en jeu différentes boucles de régulations qui vont passer par un changement profond de notre métabolisme pour produire de la chaleur. Ici il faut expliquer que le corps possède différents types de réserves dont les tissus adipeux, qui sont les contenant des graisses. Les graisses blanches peuvent être libérées pour fournir de l’énergie, mais leur circuit de dégradation est long, avec un passage par le foie. Les graisses brunes ou beiges sont, elles, utilisées localement et peuvent donc réchauffer sur leur lieu de stockage les tissus : ces stocks se constituent chez les personnes qui s’exposent au froid. Le tissu adipeux libère un large spectre de molécules, qui contrôlent notamment la sensibilité à l’insuline et les processus inflammatoires.

Je citerai ici deux publications publiées en 2014 qui nous permettent de mettre en perspective comment le corps réagit dans des pratiques proches de ce que pratiquent les tibétains en toumo. Un premier travail qui permet également d’appréhender les changements physiologiques en œuvre a été publiée en 2014 (collaboration entre chercheurs Américains et Russes). La deuxième étude s’intéresse aux pratiques développées par Wim Hof. Je m’intéresse ici à une publication qui est à mes yeux de loin la plus intéressante parce qu’elle s’intéresse à des novices pratiquants la méthode qu’il propose, et donc montre les changements physiologiques qui peuvent avoir lieu sans être un homme exceptionnel (comme le sont Maurice Daubard ou Wim Hof).

• Minvaleev et ses collègues s’intéressent aux changements sanguins sur des pratiquants en conditions extérieures, dans l’Himalaya. Ils montrent que les critères de circulation sanguine sont augmentés et postulent que la pratique des respirations utilisées augmente massivement l’activité sympathique avec une activation du tissu adipeux (beige) et que ceci est en lien direct avec la production de chaleur.

• L'équipe du professeur Pickkers (Nijmegen, Hollande), décrit dans un article publié dans un journal prestigieux l’action que chaque Homme peut avoir sur son système sympathique. Ce système nerveux est supposé être autonome, c’est à dire opérer de façon automatique : ici les volontaires qui participent à l’étude montrent bien qu’ils peuvent déclencher son activation. Effectivement après dix jours de pratique de méditation et respirations telles que présentées par WH, ces personnes, et un groupe contrôle qui a pratiqué une activité physique différente en parallèle, se sont vu testés. L’équipe leur a injecté une protéine toxique qui déclenche une réaction immunitaire : la réaction du groupe contrôle est bien présente, alors que pour le groupe de pratiquant, les protéines pro-inflammatoires sont moins exprimées et leur taux de noradrénaline est plus élevé ; leur réponse à cette injection est moindre (pas de symptôme de rhume).

De ces études plusieurs implications : pour le travail emmené par Minvaleev, il faut considérer la respiration comme le grand régulateur thermique du corps. Pour lui, la chaleur dégagée par les muscles (en activité simple ou par frisson) ne suffit pas à expliquer la chaleur qu’un pratiquant dégage lors des pratiques yogiques. Pour le groupe de Picckers, la possibilité de pouvoir agir sur des conditions persistantes d’inflammation et également des maladies auto-immunes se fait jour et doit être étudiée plus avant.


Etudes dédiées spécifiquement au Yoga Toumo

Parmi les différents articles à disposition, le travail le plus en lien avec les pratiquants de toumo est produit par le laboratoire de Herbert Benson (Harvard, Etats Unis d’Amérique). Une étude complémentaire, publiée en 2013, permet d’affiner les observations fournies par ce travail pionnier.

• Dans les années 1980, l’équipe de H. Benson a pu accéder à des moines tibétains pour étudier leur température corporelle lors de pratiques de toumo.
Ce travail a été publié en 1982 dans un journal prestigieux où les auteurs parlent d’une augmentation maximum décrite de 8°C sur les doigts et orteils des pratiquants pendant les phases méditatives. Une étude collaborative publiée en 2013 fait suite et s’intéresse à des nonnes et moines tibétains : les enregistrements réalisés sont plus complets, et le protocole permet également de mieux appréhender les changements physiologiques. Les mesures de changement thermiques des extrémités observées reproduisent des variations lors des pratiques (plus faibles mais présentes). De plus ils observent une augmentation de la température corporelle : elle est directement liée à la capacité de rétention pulmonaire, qui pour certains pratiquants est impressionnante (2’50’’ !!!).

• Cette étude observe également un groupe de pratiquants d’arts martiaux ou de yoga qui appliquent des protocoles équivalents (respirations employées par le groupe de tibétains, et durées équivalentes). Si l’augmentation de température corporelle de ce groupe est plus modeste, elle est bien présente. On peut aussi noter que contrairement aux tibétains, le retour à la température de base est plus rapide lors de l’arrêt des pratiques. En résumé, l'étude conclut que des non pratiquants peuvent effectivement apprendre à moduler leur température corporelle en appliquant des techniques respiratoires.


De ces études plusieurs implications : d’une part l’augmentation temporelle des pratiquants reportée par les différents groupes. D’autre part des hypothèses que les chercheurs évoquent en lien avec leurs recherches. Pour Benson, il existe une réponse de relaxation du corps qui serait un état physiologique opposé à l’état physiologique de stress. Il utilise ce cadre conceptuel pour entraîner les patients à utiliser cette réponse de relaxation face aux pensées négatives intrusives liées au stress qui les minent. Il espère que ces techniques seront utilisées pour aider à alléger les souffrances physiques et mentales.

Pour le travail mené par Kozhenikov, deux des facteurs mesurés sont prédictibles de l’augmentation de température corporelle lors des pratiques : le temps de rétention comme nous l’avons vu, et également l’utilisation d’imagerie mentale lors des phases méditatives. Les auteurs proposent donc que l’attention portée à l’état intérieur dans ces pratiques est un élément clef à ne pas négliger : il est difficile de développer cette attention développée lors des pratiques en assise dans des pratiques corporelles dynamiques.



Quant à Maurice Daubard, il a été suivi par des équipes de scientifiques à plusieurs reprises.
Comme par exemple, en 2007, lors de son expédition en Finlande.





 

 
Maurice Daubard